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The Wanderer
"The
Wanderer"
The Wanderer
Pendant que U2 enregistraient "Zooropa", Bono s'aperçut que Johnny Cash devait donner un concert à Dublin. Ils profitèrent de son passage pour enregistrer en studio avec lui. Il suffisait de demander si "L'homme En Noir" pouvait leur consacrer quelques heures.
"Si tu imagines l'album dans son décor, cet endroit, Zooropa, explique Flood (1), juste au moment où tu t'attends à finir l'album, tu vois débouler quelqu'un, complètement extérieur au truc, qui fait ses commentaires. C'est comme un point final. Ca projette une lumière totalement différente sur la conceptualisation du disque."
Le morceau s'intitulait "Johnny Cash On The Moon" (Johnny Cash Sur La Lune). Mais Bono savait ce qu'il voulait faire avec ses paroles. Il pensait à l'Ecclésiaste, qui se traduit par le "Prédicateur". Ce fut le premier titre. The Edge suggéra que le morceau s'intégrerait mieux au reste de l'album s'il s'intitulait "The Wanderer" (Le Vagabond). Bono ne trouva rien à redire, d'autant que l'envie de parcourir le monde ne l'avait pas quitté.
Le groupe voulait terminer l'album sur un gag musical. Ils se mirent dans la peau de l'orchestre qui anime les soirées dans les hôtels chics, pour finalement jouer quelque chose qui n'a rien à voir. The Edge amena les idées musicales. Eno (2) fit quelques suggestions. Mais l'accompagnement est dominé par la basse complètement absurde d'Adam qui sonne comme un programme Cordovox (3) , mutant sur une Casio bon marché. C'est diaboliquement efficace.
Ca ressemble à une plaisanterie un peu facile -jusqu'à ce que Johnny Cash ouvre la bouche. Le résultat est à la fois impressionnant et inquiétant. Le contraste entre l'accompagnement de pacotille et la voix monumentale de Cash donnent à l'ensemble une puissance bizarre tout à fait appropriée.
C'est l'histoire d'un prédicateur qui part en voyage initiatique et s'inflige toutes sortes d'expériences : connaissance, sexe, or, tout ce qui est à sa portée, il le prend. Le décor est un monde surréaliste, post-nucléaire, genre "Paris, Texas", où loyauté, foi et honneur ont disparu. Bono pensait à Flannery O'Connor (4) -à sa manière de décrire avec humour, sympathie et amour, les américains les plus étranges et leur religion en kit.
"Je suppose que dans notre tableau, je veux avoir ce genre de fêlé, expliquait Bono a John Waters (5), qui part sauver le monde tout en voulant en profiter."
En disant ce genre de chose, Bono pourrait bien décrire une chanson sur lui-même. D'une certaine façon, c'est ce qu'il fait. Mais Johnny Cash a des réserves. Il n'aurait pas aimé le coup de fil de "The Fly" en cavale à son pauvre partenaire délaissé, dans "Archtung Baby". Il n'aurait pas aimé non plus l'escroc tombé dans le caniveau à six heures du matin, et qui ne retrouve plus son chemin, dans "Trying To Throw Your Arms Around The Word" (essayant d'embrasser le monde). Ou encore le type de "Ultraviolet (Light My Fire)", "Ultraviolet" ('"Eclaire Moi Le Chemin"), qui a parfois l'envie de passer l'arme à gauche, d'avoir tout faux -le salaud ! Pas à ce moment de la vie. Et il n'a jamais aimé chanté ce passage de 'The Wanderer" : "I went out for the paper / Told her I'd be back soon" 'Je suis sorti acheter les journaux / Lui ai dit que je serai rentré pour midi". C'était du Bono tout craché. La même impatience. L'envie de mettre les bouts. Le besoin d'être irresponsable.
"Il laissait ce couplet de côté, parce qu'il le voulait plus tragique, raconte Bono. Moi, j'ai toujours aimé ça, vous savez, la bouteille de lait, les journaux et salut. Il doit accomplir l'oeuvre de Dieu. Il recherche aussi le savoir et l'expérience. Il est en tournée [rire]."
...Extrait de "L'Intégrale" de Niall Stockes, paru en 1997
(1) Producteur
(2) Producteur
(3) Ampli
(4) écrivain américaine
(5) réalisateur et acteur américain
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Bono : J’ai eu beaucoup de figures du père dans ma vie. Ca ferait une sacrée liste ! Mais tout en haut de cette liste figure Johnny Cash, pour qui nous avons écrit cette chanson. Nous l’avons persuadé de venir la chanter avec nous, pour finir l’album avec The Wanderer. J’ai tiré des paroles du livre de L’Ecclésiaste dans l’Ancien Testament, aussi appelé Le Prêcheur. C’est l’histoire d’un péché intellectuel : le prêcheur veut connaître le sens de la vie et tente pas mal de choses. Il s’essaye à la connaissance, s’éduque, lit tous les livres, mais cela ne lui va pas. Il s’initie au voyage, visite tous les pays, mais rien n’y fait. Il se laisse aller au vin, aux femmes et à la chanson, et rien de plus. Tout ce qu’il voit n’est que vanité sans but. Quand vous lisez ce livre, vous pensez : «Je me demande ce qui le branche vraiment !» Et la phrase la plus belle est : « Il n’y a rien de mieux pour l’homme que de boire et manger, afin de prendre du plaisir à son travail. » Aimez votre boulot, voilà la morale de l’histoire : il faut aimer ce qu’on fait. Cette chanson est l’antidote au manifeste de Zooropa, qui prône l’incertitude. Même si l 'album débute sur « I don’t have a compass, I don’t have a map » - en gros, je ne connais rien, mais j’accepte cet état d’incertitude -, The Wanderer propose une solution possible. L’ensemble de l’album tend à affirmer qu’il faut apprendre à vivre dans l’incertitude, et parfois se laisser guider par elle. J’ai essayé de résoudre des problèmes de phrasé dans les paroles de la chanson, et Johnny l’a arrêté : « Non, j’aime quand les rythmes sont irréguliers. Je veux de l’incertain. » Une belle leçon de la part de ce maître. Et entendre la voix de ce vieux loup de mer au-dessus d’un instrumental électronique est une juxtaposition rare et une des meilleurs choses que nous ayons jamais faites.
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Extrait de U2 by U2, paru en 2006
________________________"The Wanderer" figure sur l'album de U2 "Zooropa" sorti en 1993
1. Zooropa - 6:32
2. Babyface - 4:02
3. Numb - 4:20
4. Lemon - 6:58
5. Stay (Faraway, So Close) - 4:58
6. Daddy's Gonna Pay For Your Crashed Car - 5:20
7. Some Days Are Better Than Others - 4:17
8. The First Time - 3:45
9. Dirty Day - 5:24
10. The Wanderer - 5:42
Lyrics
(Bono/U2)
The Wanderer
I went out walking through the streets paved with gold
Lifted some stones, saw the skin and bones Of a city without a soul
I went out walking under an atomic sky
Where the ground won't turn and the rain it burns Like the tears when I said goodbye
Yeah, I went with nothing, Nothing but the thought of you
I went wandering
I went drifting through the capitals of tin
Where men can't walk or freely talk And sons turn their fathers in
I stopped outside a church house where the citizens like to sit
They say they want the kingdom But they don't want God in it
I went out riding, down that ol' eight lane
I passed by a thousand signs Looking for my own name
I went with nothing, But the thought you'd be there too
Looking for you
I went out there in search of experience
To taste and to touch and to feel's as much As a man can before he repents
I went out searching, looking for one good man
A spirit who would not bend or break Who could sit at his father's right hand
I went out walking with a bible and a gun
The word of God lay heavy on my heart I was sure, I was the one
Now Jesus, don't you wait up, Jesus, I'll be home soon
Yeah, I went out for the papers Told her I'd be back by noonYeah, I left with nothing But the thought you'd be there too
Looking for you
Yeah, I left with nothing Nothing but the thought of you
I went wandering
Le Vagabond
Je suis parti marcher à travers les rues pavées d’or
J’ai soulevé des pierres et y ai vu les os et la peau d’une ville sans âme
Je suis parti marcher sous un ciel atomique
Où le sol ne bouge pas et où la pluie brûle comme les larmes quand je dis au revoir
Oui je suis parti sans rien, seulement en pensant à toi
Je suis parti errer
Je suis parti à la dérive dans les capitales d'acier
Où les Hommes ne peuvent parler et marcher librement et où les fils dénoncent leurs pères
Je me suis arrêté devant une chapelle où les citoyens aiment s’asseoir
Ils disent qu’ils veulent le Royaume mais qu’ils ne veulent pas que Dieu y soit
J’ai roulé le long de cette vieille voies 8
Je suis passé devant un millier de panneaux en y cherchant mon propre nom
Je suis parti sans rien, juste en pensant que tu serais là toi aussi
A ta recherche
J’y suis allé en quête d’expériences
Pour goûter, toucher, ressentir, autant qu’un Homme le puisse avant de se repentir
Je suis parti à la recherche, dans l’espoir de trouver un homme bon
Un esprit sans failles et sans travers, qui se tiendrait à la droite de son père
Je suis parti marcher avec une Bible et un fusil
La parole de Dieu pesant lourd dans mon coeur, j’étais sûr d’être l’Elu
A présent, Jésus, ne m'attends pas plus longtemps, Jésus, je serai bientôt à la maison
Oui je suis sorti chercher le journal, lui ai dit que je serais de retour avant midi
Oui je suis parti sans rien juste en pensant que tu serais là toi aussi
A ta recherche
Oui je suis parti sans rien seulement en pensant à toi
Je suis parti errer
“Hello, I’m Johnny Cash,
Hello Ireland, Hello Dublin.”
Johnny cash à l'Olympia Theatre de Dublin en 1993
Voir également la version de U2 dans la rubrique "U2" : "Vidéo : The Wanderer"
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